JOURNAL DE BELGRADE – VENDREDI 6 octobre, 15 heures.

Michel Collon



Les 8 questions du moment


Je vais essayer de répondre aux 8 questions qui ressortent des
événements:
La TV a-t-elle tout montré?
Est-on en présence d'une stratégie de coup d'Etat bien preparé?
Que recherchent les Etats-Unis dans la situation actuelle?
A-t-on vote pour Kostunica ou contre Milosevic?
Pourquoi le pouvoir n'a-t-il senti venir sa défaite?
Les élections ont-elles été régulières?
Ceux qui soutiennent Kostunica se sont-ils pour autant rallies aux
Etats-Unis?
Que va-t-il se passer?



La TV a-t-elle tout montré? Rien à redire sur les images présentées par
la
BBC ou CNN. Il y avait effectivement une foule énorme, les policiers ont
opposé une résistance très faible et ont surtout cherche à éviter des
affrontements graves. Mais ce que je n'ai pas vu exposé dans ces chaînes
occidentales, c'est le saccage du siège du parti socialiste (alors que
Kostunica avait annoncé qu'il n'y aurait pas de revanchisme envers les
partis), et de bâtiments de diverses entreprises publiques. Ni les
vitrines
brisées d'un certain nombre de magasins du centre, qui ont ensuite été
pillés. J'ai personnellement vu des manifestants quittant le centre par
le
pont sur la Sava et emportant sur leurs épaules des ordinateurs voles.
Dans
le centre aussi, des non-manifestants déploraient qu'on détruise des
biens
de la voie publique: "C'est nous qui paierons". Mais le plus important
est
que l'opposition a réussi une mobilisation énorme et que le pouvoir n'a
pu
y opposer de contre-mobilisation.

Stratégie de coup d'Etat soigneusement préparée? Les manifestants
étaient
guidés par quelques centaines de jeunes gens fort actifs, venus surtout
de
Cacak, Kragujevac et autrès place-fortes de l'opposition (Belgrade est
plus
tiède). On constate qu'ils ont procède méthodiquement pour prendre le
contrôle de toute une série d'objectifs-clés. Le Parlement d'abord. Un
symbole évidemment. Encore doit-on remarquer que Monsieur Kostunica,
toujours presenté comme un constitutionnaliste et légaliste convaincu,
s'en
est donc pris à ce parlement au moment où celui-ci vient d'être élu et
que
l'opposition ne conteste pas les résultats des élections parlementaires.
Que veulent donc les USA? Nous y venons bientôt.
La TV RTS ensuite. Comme en Roumanie en 89 et dans chaque coup
d'Etat,
contrôler les grands médias et priver l'adversaire du droit de
réponse semble
devenu l'objectif numéro 1. Ont suivi les autrès médias et
certains bâtiments
d'entreprises publiques.
Ce caractère systématique et bien planifie fait rappeler que
le
chef réel de
l'opposition, Zoran Djindjic, avait déclaré il y a quelques
mois,
à la TV grecque que
s'ils ne gagnaient pas les élections, ils s'en prendraient au
parlement. Pas
nouveau, en 92, a Moscou, Elstine soutenu par les Etats-Unis,
avait carrément fait
incendier le parlement et fait tuer de nombreux députés qui
lui
résistaient.
Une autre dirigeante de l'opposition, Madame Pesic avait,
elle,
évoqué la nécessité
de "créer un syndrome de Bucarest'. Ces choses-là se préparent
longtemps à
l'avance.

Pourquoi les Etats-Unis poussent-ils encore a l'épreuve de force?
Pourquoi
cette recherche de l'affrontement total? Pourquoi refusent-ils tout
compromis négocié qui permettrait d'écarter le risque d'un bain de sang?
Parce qu'ils savent que l'opposition qu'ils sont en train d'amener au
pouvoir souffre de deux faiblesses graves, qui devraient lui être
fatales
sans qu'il faille attendre de longues années pour le constater. Quelle
sont
ces faiblesses?
Premièrement, la coalition DOS est complètement hétéroclite. 19 partis
qui
n'ont en commun que la volonté d'arriver au pouvoir et l'appétit envers
les
dollars de Washington. Dans cette coalition, on trouve en effet des gens
qui se sont disputes a mort pendant de longues années (Djindjic avait
exclu
Kostunica et bien d'autrès), des monarchistes et des republicains, des
unitaristes nationalistes serbes et des separatistes (du Sandjak et de
la
Voivodine) dont les programmes sont diametralement opposes. Une fois au
pouvoir, il est clair que recommenceront de plus belle les dechirements
et
les conflits d'interets. Il sera absolument impossible de realiser les
programmes de tous ces partis. La magie de "l'unite derriere Kostunica"
fera certainement long feu.
D'autant que, et c'est le deuxième facteur, DOS décevra forcement ses
electeurs. Ceux-ci, epuises financierement et moralement par dix années
de
sanctions aspirent a "vivre normalement" (c'est l'idee qui m'a ete le
plus
souvent exprimee par les manifestants d'hier que j'ai interroges), donc
a
rattraper un niveau de vie plus proche de l'Ouest. Mais, comme nous
l'avons
deja explique dans un precedent article, le programme « G-17 » de
l'opposition prevoit la liquidation des protections sociales et des
entreprises publiques, des licenciements massifs et carte blanche pour
les
multinationales afin de racheter les entreprises qui les interessent et
d'exploiter plus efficacement les travailleurs. Quelques uns vivront
mieux,
beaucoup vivront plus mal.
De sorte que, tot ou tard, Kostunica decevra et le souffle de l'espoir
retombera. Y aura-t-il alors une alternative? Les partis de gauche et
defenseurs de l'independance du pays pourraient-ils revenir au pouvoir
(a
condition, nous le verrons plus loin d'effectuer certains examens de
conscience) comme cela devrait etre le cas aux prochaines élections de
trois pays voisins: Macedoine, Republique Serbe de Bosnie et Roumanie?
C'est justement pour eviter cette possibilite de retour, legitime, au
pouvoir, lors des élections suivantes, que les Etats-Unis s'acharnent a
briser l'appareil gouvernemental actuel et celui des partis de gauche de
Yougoslavie.
En Macedoine, aux dernieres élections , le candidat de gauche était en
tete, les incidents violents se sont multiplies au point que le leader
de
la gauche s'est finalement desiste dans la crainte d'affrontements très
violents. Il faut dire que les troupes americaines et autrès occupent le
pays et que leur intervention pour arreter la gauche ne faisait aucun
doute. Ajoutons que, pour l'Ouest qui se dit si soucieux de la légalité,
ces élections-la ont ete "parfaites".

4. A-t-on vote pour Kostunica ou contre Milosevic? La bonne reponse est
la
seconde selon beaucoup de gens avec qui j'ai parle. Malgre dix ans de
pouvoir, Milosevic avait acquis un grand prestige durant la guerre en
resistant fermement a l'Otan, ce qui correspondait a la volonté de tout
son
peuple. Mais le parti au pouvoir a gaspille ses chances en commettant
deux
fautes majeures.
D'abord, il a permis, voire favorise la croissance de l'inegalite
sociale.
Oui, les sanctions (l'embargo) sont un crime de l'Ouest qui fait
souffrir
cruellement la population. Mais celle-ci a vu aussi se developper sous
ses
yeux certaines fortunes insolentes. Il n'est pas exact de pretendre,
comme
on dit dans les médias occidentaux, que « toute la nomenklatura vit dans
le
luxe ». Il m'est arrive d'entrer dans les appartements prives de
certains
cadres intermédiaires de ministeres; ils étaient tout aussi modestes que
ceux de leurs voisins, dans des cites d'immeubles sociaux qui n'avaient
vraiment rien de luxueux. Neanmoins, il y a aussi, dans le business et
dans
les trafics, des trains de vie scandaleux. Pour garder son soutien, le
regime aurait du combattre ces grosses fortunes et consacrer davantage
d'efforts au social.
Ensuite, la stratégie de communication aussi bien des dirigeants que des
médias publics n'a pas ete fructueuse. Il circulait de nombreuses
plaisanteries sur la television RTS et les messages d'en haut ont perdu
leur crédibilite a force de repeter que tout allait bien.

5. Pourquoi Milosevic ne l'a-t-il pas senti venir? Comment se fait-il
que
Milosevic ait décide de convoquer lui-meme des élections anticipees? Et
que, jusqu'a la derniere minute, les partis au pouvoir se montraient
surs
de l'emporter, de sorte qu'ils ont ete pris au depourvu quand ils ont du
"gerer" leur defaite?
La reponse tient dans le poids d'un certain bureaucratisme. On trouve
parmi
les fonctionnaires et les responsables politiques beaucoup de gens très
devoues et pleins d'enthousiasme pour défendre leur pays. On trouve
aussi
un certain nombre de bureaucrates qui ne se fatiguent pas beaucoup pour
chercher des solutions aux problèmes. Et on a l'impression très nette
que
les rapports qu'ils envoient "en-haut" sont du genre "Tout va très bien
madame la marquise". Le pouvoir ne s'est pas rendu compte qu'il avait
perdu
une grande partie de sa popularite de la guerre. Il a cru que les
élections
étaient gagnées d'avance. E sa stratégie de campagne n'a pas ete bonne:
Milosevic absent, des discours autosatisfaits sur la reconstruction qui
est
reelle, mais aussi la negation du problème social et un message
systematique du genre "tout ira très bien" qui a perdu sa crédibilite .

6. Les élections ont-elle ete regulieres? Bien sur, cette tentative
d'analyse des faiblesses des partis en place n'enleve rien au constat
que
nous avons deja fait. Oui, les élections n'ont pas ete regulieres. Quand
on
bombarde un peuple, qu'on detruit ses usines, ses installations civiles
d'electricite et de chauffage, ses routes et ses ponts, quand on lui
jette
des armes horribles comme les bombes a fragmentation et a l'uranium,
quand
on soumet sa population a un chantage repugnant "Votez pour les partis
pro-occidentaux ou vous continuerez a crever de faim", quand on deverse
des
centaines de millions de dollars pour aider certains partis politiques a
tromper les gens grace a des conseillers specialises en campagnes
mensongeres aux methodes scientifiques, alors il faut bien conclure que
ces
élections sont regulieres comme Jamie Shea est un homme objectif et
sincere.

7. Ceux qui soutiennent Kostunica se sont-ils pour autant rallies aux
Etats-Unis? J'ai discute avec des partisans de Kostunica. C'est
instructif.
Comme ces partis d'opposition sont finances – grassement – par
Washington,
on pourrait croire que les partisans de Kostunica sont automatiquement
partisans des Etats-Unis.
Faux. Un proverbe, que les Serbes s'appliquent avec auto-derision a
eux-memes, indique: "Si vous avez deux Serbes, vous avez trois
opinions."
Plusieurs manifestants m'ont dit spontanement "Nous ne sommes pas
l'Otan".
Un coiffeur, d'origine francaise, m'ayant reconnu dans la rue (suite a
des
apparitions televisees) est venu spontanement me signaler qu'il
appreciait
beaucoup mes critiques contre l'Otan, mais que j'avais tort de mettre
les
partis de l'opposition dans le meme sac. "Nous on deteste les
Americains,
on sait très bien ce qu'ils sont et leurs interets".
"Mais on ne veut plus de Milosevic, on veut vivre normalement sans
sanctions et comme vous autrès a l'Ouest." Comme les chomeurs et les SDF
de
l'Ouest ou comme les richards de l'Ouest? Ne se rend-il pas compte que
les
multinationales occidentales n'apportreront pas ici la prosperite mais
une
exploitation plus impitoyable?
Non, ce discours-la, pour l'instant, ils ne veulent pas l'entendre:
"Vous
avez peut-etre raison, mais il faut essayer, on veut du changement, du
changement! Et si ces nouveaux dirigeants ne tiennent pas leurs
promesses,
on changera de nouveau!" Ca, c'est la grande illusion de croire que
l'Otan
permettra une "marche arriere", mais voila l'etat d'esprit ici
actuellement.
Un autre element d'appreciation est que les strateges de la campagne
electorale de DOS ont reussi a faire passer une idee curieuse, mais
efficace: Milosevic serait en fait l'homme des Etats-Unis, il leur
servirait a maintenir leur emprise. Ca ne tient pas debout – pourquoi
les
Etats-Unis feraient tout pour eliminer celui qui leur servirait tant –
mais
ca marche aupres de certains. En fait, c'est une methode classique de
pub:
celui qui vole, crie "au voleur". Celui qui est paye par les Americains,
fait semblant de crier "A bas les Etats-Unis!"

8. Que va-t-il se passer? Cette apres-midi, une vie plus ou moins
normale a
repris dans les rues, encore que les commerces restent fermes. Mais
l'opposition veut maintenir ses troupes dans le centre, pour eviter
toute
intervention policiere de reprise en mains. Elle annonce une
mobilisation
plus importante encore.
D'une part, l'opposition DOS cherche a conclure une alliance au
parlement
en faisant eclater le parti montenegrin de Bulatovic et en y trouvant
les
voix qui leur manquent pour acquerir la majorite. On peut etre certain
que
les dollars de Washington servent d'appat. De l'autre cote, le
gouvernement
cherche la parade sans l'avoir trouve. Il affirme ne pas vouloir lancer
l'armée pour eviter un bain de sang, il demande que la légalité soit
respectee. Il s'efforce de retrouver un média qui lui permette de faire
passer son message. Mais sa stratégie de communication s'avere toujours
aussi lente et chaotique. On attend en vain une prise de position
officielle. Ilosevic pourrait prononcer un discours... On attend. A
bientot!



JOURNAL DE BELGRADE - Samedi 7 octobre, 12 heures

Ce sont les douze mois à venir

qui décideront du sort de la Yougoslavie

MICHEL COLLON

Les nouvelles importantes se sont succédé hier soir. Celle dont parlent
tous les médias
internationaux. Milosevic a reconnu la victoire de Kostunica aux
présidentielles.

Et celle dont ils ne parlent pas mais qui pourrait s'avérer plus
importante encore pour
les huit mois cruciaux qui viennent. La tentative de l'opposition de
débaucher certains
parlementaires monténégrins pour former une majorité gouvernementale de
rechange a échoué.

Sous réserve de confirmation, le prochain gouvernement yougoslave
devrait donc etre
formé du SPS, le parti de Milosevic, son allié traditionnel YUL et les
députés
monténegrins du SNP de Momir Bulatovic. Se retrouverait-on alors dans
une
situation de double pouvoir? Non, car celui du président est moins
important que celui
du gouvernement yougoslave, et moins important encore que celui du
gouvernement
serbe qui dispose de la majorité des budgets.

Kostunica président et Milosevic premier ministre?

Kostunica président et Milosevic premier ministre? Ce scénario
surréaliste que nous
avions envisagé il y a quelques jours, ce scénario serait le cauchemar
de Washington.
Et c'est pourquoi l'Óuest est en train de tout faire pour éliminer
définitivement de la
vie politique Milosevic et son parti.

Depuis Belgrade, j'ai regardé la BBC, CNN et une télé allemande. Toutes
présentaient
une image caricaturale: un peuple entier uni contre un dictateur. La
réalité est
différente. Milosevic conserve un soutien important - l'opposition ne
conteste pas les
résultats des élections parlementaires - et on se trouve plutot face à
un pays divisé en
deux camps, après des mois de pressions et de campagnes extérieures
énormes.

Comme je l'ai écrit hier, les dirigeants de l'opposition ont cherché à
créer un
"syndrome de Bucarest". Milosevic a tout fait pour éviter d'entrer dans
ce piège, il a
attendu dans une guerre d'usure, une guerre des nerfs, comme lors de
précédents
affrontements déclenchés par l'opposition (91 et 96-97) auxquels il
avait survécu:
"En tout cas, nous ne voulions pas envoyer l'armée et provoquer un bain
de sang",
m'ont déclaré des responsables gouvernementaux.

N'aurait-il pas mieux valu reconnaître de suite la victoire de
Kostunica? Beaucoup,
même dans son camp, le pensent: "Les gens ont cru qu'íl allait tenter de
manoeuvrer
et n'ont pas aimé ca", m'explique Ivana, qui a pourtant voté Milosevic.

Mais au camp Kostunica, on peut adresser une autre question: pourquoi
ont-ils refusé
le second tour qu'il semblait assuré de gagner? Nous pensons que
Washington et les
dirigeants de l'opposition ont cherché à provoquer le "syndrome
Bucarest" pour
tenter déliminer définitivement Milosevic de la scène politique.

Mais s'agit-il seulement de Milosevic? Non. Il s'agit de tout un courant
de la société
yougoslave qui résiste à la prise de contrôle par les multinationales.
Le 17 novembre
98, l'agence officielle britannique Reuter mentionnait un sondage auprès
de 300
sociétés selon lequel "la privatisation ne suscite pas l'enthousiasme en
Serbie, les
travailleurs craignent des licenciements massifs. Aucune compagnie n'a
encore été
privatisée depuis la nouvelle loi de privatisation adoptée il y a un
mois."

En outre, la volonté d'éliminer Milosevic ne concerne pas seulement la
Yougoslavie.
Pourquoi Milosevic est-il la bête noire de Washington?

"Parce qu'il symbolise la résistance au Nouvel Ordre Mondial et qu'il
pourrait donner
de mauvaises idées à d'autres forces dans les Balkans, m'explique
Ljliljana,
fonctionnaire dans un ministère. Aux yeux de Washington, Milosevic est
un virus
dangereux qui peut contaminer les Balkans."

Clinton et la démonisation des Serbes

A présent, Kostunica se trouve, lui, face à deux problèmes. L'un
immédiat: l'incendie
du parlement n'a pas été approuvée y compris parmi ses propres
supporters. "Même
l'Otan avait épargné ce symbole, s'indigne-t-on ici. Hitler avait
incendié le Reichstag
comme provocation avant la Seconde Guerre mondiale. Et la télévision RTS
avait été
bombardée par l'Otan: 16 victimes. Les traces sont encore fraiches.
C'est indigne."

Deuxième problème: les encombrantes félicitations des Etats-Unis. Hier
soir,
j'entendais le discours de Bill Clinton. En substance: ""Cette victoire,
c?est la notre,
c'est la consécration du combat des Etats-Unis depuis dix ans. Nous
avons empêché
Milosevic de continuer à attaquer la Croatie, la Bosnie et d'autres
pays. Avec la
manifestation de Belgrade, nous avons mis fin à la menace d'un homme qui
avait fait
des centaines de milliers de victimes."

Ah oui? Milosevic aurait tué tant de gens? A lui tout seul? Clinton peut
être assuré
qu'aucun Serbe ne pense ainsi. Pratiquement tous continuent à penser que
leur pays a
été attaqué par les grandes puissances qui ont soutenu des extrémistes
comme
Tudjman et Izetbegovic et se sont montrés injustes envers les Serbes.
Certains - y
compris parmi les électeurs de l'opposition - reprochent même à
Milosevic de ne pas
avoir été assez ferme jusqu'au bout.

Quoi qu'il en soit, ce discours de Clinton poursuit la démonisation des
Serbes
présentés comme des monstres car il est évident que s'il y a "des
centaines de milliers
de victimes", un grand nombre de Serbes sont criminels, et la chasse aux
sorcières va
commencer avec toute la sélectivité et l'arbitraire dont Washington est
capable.

En outre, Washington ne compte nullement rendre justice aux Serbes, par
exemple au
Kosovo. Bernard Kouchner vient d'annoncer qu'il faudrait rester la-bas
une
géneration et que les troupes américaines y resteraient "sans doute dix
ans."(Washington Times, 30 septembre)

Meme avec Kostunica, les Serbes ne verraient pas la couleur de la paix
car les
Etats-Unis ont besoin d'une situation de conflit "de basse intensité"
permanente.
Une situation qui leur permette de maintenir la tension dans une région,
et la pression
contre un pays. Croire que les USA sont au Kosovo pour rétablir la paix
et aider les
Albanais, c'est comme croire qu'Hitler était allé occuper la
Tchéquoslovaquie pour
l'amour des minorités sudètes allemandes. Prétextes, prétextes... Tout
ce qui compte
pour les grandes puissances, c'est d'occuper des régions stratégiques.

Les douze mois qui viennent, avant les élections en Serbie, seront
décisives. La
Yougoslavie deviendra-t-elle ou non une colonie du FMI et de l?Otan?
S'ils veulent
renverser la tendance électorale actuelle - surtout dans la jeunesse -
Milosevic et ses
alliés auront à mener une politique plus sociale encore, une lutte plus
ferme contre les
privilèges. Et une stratégie de communication plus efficace, notamment
envers les
jeunes. Mais les forces progressistes du monde entier auront aussi un
rôle à jouer pour
démasquer l'action de Washington derrière des élections pas vraiment
libres.