(francais / italiano)

Intellettuali di servizio: Alain Finkielkraut

"Non sono cattivi... sono musulmani"

ALAIN FINKIELKRAUT, saggista e giornalista francese di origine ebraica,
è tristemente noto a chi si è occupato in questi anni della crisi
jugoslava come uno di quegli intellettuali europei che con più
accanimento si sono adoperati per la secessione croata prima e per
quella bosniaca poi, ed a favore della uccisione della Jugoslavia
multietnica (intenzionalmente e propagandisticamente confusa con la
"Grande Serbia").

Finkielkraut è solo uno degli esponenti della agguerrita squadra dei
vecchi "nuovi filosofi" francesi distintisi per le medesime posizioni
antijugoslave: tra costoro ricordiamo anche Bernard HENRI-LEVI, André
GLUCKSMANN (particolarmente vicino ai radicali italiani ed alle loro
posizioni guerrafondaie), ed il loro amico Daniel COHEN-BENDIT,
l'"ebreo francese" degli slogan del '68 parigino, oggi europarlamentare
dei "Verdi" tedeschi favorevole agli interventi out of area
dell'esercito della Grande Germania riunificata.

Alain Finkielkraut all'inizio degli anni Novanta chiedeva
provocatoriamente: "Come si può essere croati oggi?". Le sue posizioni
etno-differenzialiste (anti-jugoslave) e razziste (anti-serbe) sono
state raccolte in Dispatches from the Balkan War and other writings
(University of Nebraska Press, Lincoln, Nebraska, 1999 - una parte già
pubblicato in francese sotto il titolo: Comment peut-on être croate?,
Gallimard, Paris, 1992).

Più recentemente Finkielkraut ha pubblicato libri, articoli ed
interviste a ripetizione in cui articola la sua filosofia
"dell'appartenenza", basata sulla rivalutazione delle identità
etno-tribali e nazional-religiose, fino ad impegnarsi attivamente
all'interno della corrente revisionista che in Francia rivaluta la
Repubblica di Vichy, collaborazionista del nazismo, a partire dal suo
versante "culturale". Offendendo in questa maniera la sua stessa
origine ebraica nell'appoggio agli antisemiti di Petain dopo quelli di
Tudjman e di Izetbegovic.

Negli ultimi mesi Finkielkraut ha definitivamente gettato la maschera,
pubblicando prese di posizione esplicite contro i cittadini francesi di
religione islamica - proprio lui che ha tanto calorosamente, benché
strumentalmente, appoggiato i secessionisti di Izetbegovic... Posizioni
cariche di pregiudizi mutuati dalla propaganda dei neocons
statunitensi, delle oriane nostrane (Fallaci) e dei teorici sionisti
della guerra globale preventiva.

L'incitamento all'odio razziale-religioso di Finkielkraut raggiunge il
suo culmine oggi, con la pubblicazione sul supplemento settimanale del
18/11/2005 del quotidiano israeliano Haaretz di una lunga intervista
intitolata inequivocabilmente "Non sono cattivi, sono musulmani", nella
quale spiega il fenomeno della esplosione delle banlieues in Francia
sposando le tesi segregazioniste dello "scontro di civiltà".

(a cura di Italo Slavo)
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"Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans"

Quand Finkelkraut, le philosophe de la république se lâche... dans la
presse israélienne

Extraits d'un reportage de 6 pages dans le supplément hebdomadaire de
Haaretz daté du 18 novembre - Pour contribution au débat : traduction
de l'hébreu - extraits - Michel Warschawski - Michèle Sibony

N.B. Tous les passages en italiques sont des traducteurs

 
Titre : Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans

Chapeau : Le philosophe juif Alain Finkelkraut, l'un des plus célèbres
intellectuels francais et porte drapeau de la guerre contre le nouvel
antisémitisme ne peut pas entendre parler maintenant de racisme
français, de pauvreté et d'exclusion. Qu'on le laisse tranquille avec
ce discours mensonger. De son point de vue tout est clair, malgré tout
ce que la France a fait pour eux les fils d'immigrés islamiques la
haïssent. C'est comme çà dans leur culture. Et les belles âmes
bourgeoises et les écoles ramollies les encouragent. Et la France s'en
va au diable.

 
Les réponses de Finkelkraut ont visiblement étonné les journalistes qui
l'ont interrogé à Paris. Ils signalent que« pourtant elles n'émanent
pas du front national mais de la bouche d'un philosophe qu'on
considérait autrefois comme l'un des porte parole de la gauche
française, et l'un des philosophes qui ont mûri dans la révolte des
étudiants de mai 68 » Ils précisent d'entrée de jeu que AF lors de ses
réponses insiste et revient régulièrement sur le fait que « il ne peut
plus dire (cela ) en France », « on ne peut pas dire çà en France »
« il est peut être dangereux de dire çà en France ».


Episode 1 - sur les émeutes en France :

Question : Dans la presse française les émeutes dans les banlieues sont
perçues surtout comme un problème économique, une réaction violente à
une situation de pauvreté dure et de discrimination , alors qu'en
Israël on a plutôt tendance à penser que l'origine de cette violence
est religieuse ou du moins ethnique. C'est-à-dire à voir en elle un
élément du combat islamique. Comment vous situez vous par rapport à ces
différentes positions ?

Réponse : En France on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau
social. Voir en elles une révolte de jeunes de banlieues contre leur
situation, la discrimination dont ils souffrent et contre le chômage.
Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et
s'identifient à l'Islam. Il y a en effet en France d'autres émigrants
en situation difficile, chinois, vietnamiens portugais, et ils ne
participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu'il s'agit d'une
révolte à caractère ethnico-religieux.

Q. Et d'où vient-elle ? Est ce une réponse des Arabes et des Noirs au
racisme dont ils sont victimes ?

R. Je ne le pense pas, parce que cette violence a été précédée de
signes annonciateurs très préoccupants que l' on ne peut réduire à une
simple réaction au racisme français. Prenons par exemple les événements
qui ont accompagné il y a quelques années le match de football
France-Algérie, ce match s'est déroulé à paris au stade de France, on
nous dit que l'équipe de France est adorée par tous parce qu'elle est «
black blanc beur », en fait aujourd'hui elle est black black black ce
qui fait ricaner toute l 'Europe. Si on fait une telle remarque en
France on va en prison mais c'est quand même intéressant que l'équipe
de France de football soit composée presque uniquement de joueurs
noirs. Quoiqu'il en soit cette Equipe est perçue comme le symbole d'une
société multi ethnique, ouverte etc...Le public dans le stade, des
jeunes d'origine algérienne, ont hué pendant tout le match cette même
équipe. Ils ont même hué la Marseillaise et le match a du être
interrompu quand les jeunes ont envahi le terrain avec des drapeaux
algériens.

Et il y a aussi les paroles des chansons de rap, des paroles très
préoccupantes, de véritables appels à la révolte, je crois qu'il y en a
un qui s'appelle docteur R qui chante « je pisse sur la France je pisse
sur de Gaulle » etc... ce sont des déclarations très violentes de haine
de la France. Toute cette haine et cette violence s'expriment
maintenant dans les émeutes, y voir une réponse au racisme français
c'est être aveugle à une haine plus large : La haine de l'occident qui
est responsable de tous les crimes. La France découvre cela aujourd'hui.

Q. Cela signifie d'après vous que ces émeutes ne sont pas orientées
contre la France mais contre tout l'Occident ?

R. Non, elles sont orientées contre la France, comme ancienne puissance
coloniale, contre la France, pays européen. Contre la France avec sa
tradition chrétienne, ou judéo chrétienne.

(.../...)

Q. Est ce que vous pensez que la source de cette haine envers l
'Occident parmi les français qui participent à ces émeutes est dans la
religion , dans l'islam ?

R. sur ce sujet il faut être clair, c'est une question très difficile
et il faut essayer de garder un langage de vérité. On a tendance à
avoir peur du langage de vérité, pour des raisons « nobles ». On
préfère dire « les jeunes » que « noirs » ou « arabes ». Mais on ne
peut sacrifier la vérité quelques soient les nobles raisons. Il faut
bien entendu éviter les généralisations : Il ne s'agit pas de tous les
noirs et de tous les arabes, mais d'une partie des noirs et des arabes.
Et évidemment la religion, non pas comme religion, mais comme ancre
d'identité joue un rôle. La religion telle qu'elle apparaît sur
internet et les chaînes de télévision arabes, sert d'ancre
d'identification pour certains de ces jeunes. Contrairement à d'autres,
moi je n'ai pas parlé d'Intifada des banlieues, et je ne pense pas
qu'il faille utiliser ce terme. J'ai pourtant découvert qu'eux aussi
envoyaient en première ligne de la lutte les plus jeunes, et vous en
Israël vous connaissez çà, on envoie devant les plus jeunes parce qu'on
ne peut pas les mettre en prison lorsqu'ils sont arrêtés. Quoiqu'il en
soit ici il n'y a pas d'attentats et on se trouve à une autre étape :
je pense qu'il s'agit de l'étape du pogrom anti républicain. Il y a des
gens en France qui haïssent la France comme république.

Q. Mais alors pourquoi ? Pour quelle raison ?

R Pourquoi est ce que le monde arabo-musulman en partie du moins a
déclaré la guerre à l'occident ? La république est la version française
de l'Europe. Eux et ceux qui les justifient disent que cela provient de
la fracture coloniale. D'accord, mais il ne faut pas oublier que
l'intégration des travailleurs arabes en France à l'époque du pouvoir
colonial était beaucoup plus simple. C'est-à-dire que c'est une haine à
retardement, une haine a posteriori. Nous sommes témoins d'une
radicalisation islamique qu'il faut expliquer dans sa totalité avant
d'arriver au cas français, d'une culture qui au lieu de s'occuper de
ses propres problèmes recherche un coupable extérieur. Il est plus
simple de trouver un coupable extérieur. Il est séduisant de se dire
qu'en France tu es exclu et « donnez-moi ! donnez-moi ! »

Cà n'a jamais marché comme cela pour personne et çà ne peut pas marcher.


De l'école en France et des bienfaits du colonialisme

Aux Etats unis également nous sommes témoins de l'islamisation des
noirs. C'est Lewis Farkhan en Amérique qui le premier a dit que les
juifs ont joué un rôle central dans l'esclavagisme. Et le principal
porte parole de cette théologie en France aujourd'hui c'est Dieudonné,
c'est lui qui est aujourd'hui le vrai patron de l'antisémitisme en
France, et non le front national. Mais en France au lieu de combattre
son discours on fait précisément ce qu'il demande : on change
l'enseignement de l'histoire coloniale et de l'histoire de l'esclavage
dans les écoles. On y enseigne aujourd'hui l'histoire coloniale comme
une histoire uniquement négative. On n'enseigne plus que le projet
colonial voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages.
On ne parle que des tentatives d'exploitation, de domination, et de
pillage. Mais en fait qu'est ce que veut Dieudonné ? Il exige une
« shoah » et pour les arabes et pour les noirs, mais si l'on met la
shoah et l'esclavage sur le même plan alors on est obligé de mentir,
car ce n'était pas une shoah. Et ce n'était pas un crime contre
l'humanité parce que ce n'était pas seulement un crime. C'était quelque
chose d'ambivalent. Ainsi en est-il également de l'esclavage. Il a
commencé bien avant l'Occident. En fait, la spécificité de l'Occident
pour tout ce qui concerne l'esclavage c'est justement tout ce qui
concerne son abolition. L'abolition de l'esclavage est une question
européenne et américaine. Cette vérité là sur l'esclavage il est
maintenant interdit de l'enseigner dans les écoles.

C'est pourquoi tous ces événements là m'attristent beaucoup : non pas
parce qu'ils se sont produits, après tout il fallait être aveugle et
sourd pour ne pas voir qu'ils auraient lieu, mais à cause des
explications qui les accompagnent. Elles sont un coup mortel à la
France que j'ai aimée, et j'ai toujours dit que la vie deviendrait
impossible pour les juifs de France quand la francophobie vaincrait, et
c'est ce qui va se passer. Ce que j'ai dit maintenant les juifs le
comprennent. Tout d'un coup ils regardent autour d'eux et voient tous
les « bobos » qui chantent des louanges aux nouveaux « damnés de la
terre » et se disent : qu'est ce que c'est que ce pays, que lui est il
arrivé ?

Q. Puisqu'il s'agit selon vous d'une offensive islamique, comment
expliquez vous que lors des derniers événements les juifs n'ont pas été
attaqués ?

R. Premièrement on dit qu'une synagogue a été attaquée. Mais je pense
que ce qu'on a vécu c'est un pogrom anti républicain. On nous dit que
ces quartiers sont délaissés et que les gens sont dans la misère. Quel
lien y a-t-il entre la misère et le désespoir et brûler des écoles ? Je
pense qu'aucun juif ne ferait jamais çà. Ce qui unit les juifs -
laïques, religieux, de la Paix Maintenant ou partisans du grand Israël
- c'est un mot, le mot schlule(lieu d'étude)* c'est ce qui nous unit
tous comme juifs. Et j'ai été tout simplement scandalisé de ces actes
qui se sont répétés et encore plus scandalisé par la compréhension
qu'ils ont rencontré en France. On les a traités comme des révoltés
comme des révolutionnaires. C'est la pire des choses qui pouvait
arriver à mon pays et je suis très malheureux. Pourquoi ? Parce que le
seul moyen de surmonter c'est de les obliger à avoir honte. La honte
c'est le début de la morale. Mais au lieu de les pousser à avoir honte,
on leur a donné une légitimité : ils sont « intéressants ». Ils sont
« les damnés de la terre ». Imaginez un instant qu'ils soient blancs
comme à Rostock en Allemagne on dirait immédiatement : le fascisme ne
passera pas. Un arabe qui incendie une école c'est une révolte, un
blanc c'est du fascisme. Je suis daltonien : le mal est le mal, peu
importe sa couleur. Et ce mal là pour le juif que je suis est
totalement inacceptable.

Pire, il y a là une contradiction, car si effectivement ces banlieues
étaient dans une situation de délaissement total, il n'y aurait pas de
salles de sport à incendier, il n'y aurait pas d'écoles et d'autobus.
S'il y a des gymnases des écoles et des autobus, c'est que quelqu'un a
fait un effort. Peut-être insuffisant mais un effort quand même.

Q. Mais pourtant le taux de chômage dans les banlieues est
insupportable, près de 40% des jeunes entre 15 et 25 ans n'ont aucune
chance de trouver un travail ?

R. Revenons un moment à la schule. Lorsque les parents t'envoient à
l'école, est-ce que c'est pour trouver un travail ? Moi on m'a envoyé à
l'école pour apprendre. La culture et l'éducation ont une justification
en elles même. Tu vas à l'école pour apprendre, c'est çà le but de
l'école. Et ces gens qui détruisent des écoles, que disent-ils en
fait ? leur message n'est pas un appel à l'aide ou une exigence de plus
d'écoles ou de meilleures écoles, c'est la volonté de liquider les
intermédiaires entre eux et les objets de leurs désirs. Et quels sont
les objets de leurs désirs c'est simple : l'argent, les marques, et
parfois des filles. C'est pourquoi il est certain que notre société a
sa responsabilité, parce qu'ils veulent tout maintenant et ce qu'ils
veulent c'est l'idéal de la société de consommation. C'est ce qu'ils
voient à la télévision.

schule : mot yiddish qui signifie école , désigne plutôt chez les juifs
ashkénaze de France la synagogue (ndlt)


Non à l'antiracisme

..../... Mais justement le philosophe juif qui lutte contre
l'antisémitisme pour entrer en guerre contre « la guerre antiraciste ».
(fin des commentaires des journalistes)

« Je suis né à paris et suis le fils d'immigrants polonais, mon père a
été déporté de France, ses parents ont été déportés et assassinés à
Auschwitz, mon père est rentré d'Auschwitz en France. Ce pays mérite
notre haine. Ce qu'il a fait à mes parents était beaucoup plus brutal
que ce qu'il a fait aux Africains. Qu'a-t-il fait aux Africains ? Il
n'a fait que du bien. Mon père, il lui a fait vivre l'enfer pendant 5
ans. Et on ne m'a jamais enseigné la haine. Aujourd'hui la haine des
noirs est encore plus forte que celle des arabes.

Q. Mais justement vous qui combattez le racisme antijuif affirmez que
la discrimination et le racisme dont parlent ces jeunes n'existent pas
en réalité ?

R. Bien sûr qu'il y a une discrimination. Et il y a certainement des
Français racistes. Des Français qui n'aiment pas les arabes et les
noirs. Et ils les aimeront encore moins maintenant quand ils prendront
conscience de combien eux même les haïssent. C'est pourquoi cette
discrimination va s'approfondir pour tout ce qui concerne le logement
et aussi le travail.

Imaginez que vous gérez tous deux un restaurant et vous êtes
antiracistes, vous pensez que tous les hommes sont égaux et en plus
vous êtes juifs, c'est-à-dire que pour vous parler d'inégalité entre
les race pose problème, et imaginez qu'un jeune des banlieues vienne
demander un emploi de serveur, il a l'accent des banlieues, vous ne
l'engagerez pas, c'est très simple. Vous ne l'engagerez pas parce que
c'est impossible. Il doit vous représenter, et ceci exige de la
discipline de la politesse et une manière de parler. Et moi je peux
vous dire que même des Français blancs qui copient aujourd'hui les
codes de conduite des banlieues, et cela existe, se heurteront au même
problème exactement. La seule manière de lutter conte la discrimination
est de revenir aux exigences, une éducation sévère, c'est le seul
moyen. Mais cela aussi il est interdit de le dire. Je ne le peux pas.
Ce sont des choses du bon sens auxquelles on préfère le mythe du
« racisme français ». Ce n'est pas juste. Nous vivons aujourd'hui dans
un environnement de « guerre permanente contre le racisme », et il faut
étudier la nature de cet antiracisme. Tout à l'heure j'ai entendu à la
radio quelqu'un qui s'opposait à la décision du ministre de l'intérieur
Sarkozi d'expulser quiconque n'a pas la citoyenneté française a
participé aux émeutes et a été arrêté. Et qu'a-t-il dit ? Qu'il
s'agissait d'une « épuration ethnique ». J'ai combattu pendant la
guerre de Yougoslavie contre l'épuration ethnique des musulmans en
Bosnie. Aucune organisation musulmane française ne s'est jointe à nous,
ils ne se sont réveillés que pour soutenir les Palestiniens. Et
maintenant on parle d'épuration ethnique ? Il n'y a pas eu un seul mort
pendant ces émeutes, en fait si, il y en a eu deux mais c'était un
accident. On ne les poursuivait pas mais ils se sont enfuis et cachés
dans un transformateur électrique malgré les panneaux d'avertissement
qui étaient énormes.

Mais je pense que l'idée généreuse de guerre contre le racisme se
transforme petit à petit monstrueusement en une idéologie mensongère.
L'antiracisme sera au vingt et unième siècle ce qu'a été le communisme
au vingtième. Aujourd'hui les juifs sont attaqués au nom du discours
antiraciste : la barrière de séparation, « sionisme égal racisme », la
même chose en France. Il faut se garder de l'idéologie de
l'antiracisme. Bien sûr il y a un problème de discrimination, il y a un
réflexe xénophobe c'est vrai, mais présenter les événements comme une
réaction au racisme est tout à fait mensonger, tout à fait mensonger.

Q. Que pensez-vous des moyens qu'utilise le gouvernement français pour
mettre fin à la violence, l'état d'urgence, le couvre feu ?

R .Mais c'est tellement normal ! Ce que nous avons vécu est terrible.
Il faut comprendre que ceux qui ont le moins de pouvoir dans la société
sont les autorités, les gouvernants. C'est vrai ils sont responsables
du maintien de l'ordre, et c'est important parce que sans eux il y
aurait eu une autodéfense, et les gens auraient tiré. Alors ils
maintiennent l'ordre et font cela avec une prudence extraordinaire, il
faut les saluer pour cela. En mai 68, il y avait un mouvement tout à
fait innocent comparé à celui d'aujourd'hui et il y a eu une violence
policière. Ici on jette des cocktails Molotov et on tire à balles
réelles. Et il n'y a eu aucun cas de violence policière. (note des
journalistes : depuis l'interview plusieurs policiers ont été arrêtés
suspectés de violence) Il n'y a aucun précédent. Comment maintenir
l'ordre ? Par des moyens dictés par le bon sens,que soit dit en passant
73% des français soutiennent d'après une enquête du journal le
Parisien. Mais je pense qu'il est trop tard pour provoquer chez eux la
honte, parce que à la télévision, à la radio et dans les journaux, ou
du moins dans la plupart d'entre eux, on présente aux émeutiers un
miroir embellissant. Ce sont des gens « intéressants », on flatte leur
souffrance et on comprend leur désespoir. En plus il y a la grande
perversion du spectacle. On brûle des voitures pour qu'on puisse le
voir à la télévision, cela leur permet de se sentir « importants » de
sentir qu'ils vivent dans un quartier important, cette course après le
spectacle doit être analysée, elle produit des effets tout à fait
pervers. Et la perversion du spectacle est accompagnée de commentaires
tout à fait pervers.

..../....

Si cela ne leur plaît pas qu'ils rentrent chez eux :

AF. On dit que le modèle républicain s'est effondré dans ces émeutes.
Mais le modèle multiculturel ne va pas mieux. Ni en hollande ni en
Angleterre. A Bradford et à Birmingham aussi ont eu lieu des émeutes
sur fond racial. Deuxièmement l'école républicaine, le symbole du
modèle républicain n'existe plus depuis longtemps. Je connais l'école
républicaine j'y ai étudié. C'était une institution avec des exigences
sévères, austère, assez antipathique, qui avait construit de hautes
murailles pour se protéger du bruit de l'extérieur.

Trente années de réformes stupides ont changé ce paysage. L'école
républicaine a été remplacée par « la communauté éducative »,
horizontale et non verticale, on a révisé à la baisse les programmes
scolaires, le bruit de l'extérieur est entré, la société est rentrée
dans l'école. Ce qui signifie que ce que nous voyons aujourd'hui c'est
en fait l'échec du modèle post républicain « sympa ». Le problème avec
ce modèle c'est qu'il se nourrit de ses propres échecs : chaque fiasco
est une raison pour le rendre encore plus extrême. L'école sera encore
plus « sympa ». En fait, face à ce que nous voyons, le minimum de ce
que nous devons exiger c'est la sévérité et plus d'exigence. Sinon on
aura bientôt des « cours de délinquance ».

Ceci est une évolution caractéristique de la démocratie. La démocratie
comme processus ainsi que l'a bien montré Tocqueville,nesupporte pas
l'horizontalité. En démocratie il est difficile de supporter des
espaces non démocratiques. Tout doit être démocratique dans la
démocratie. Mais l'école ne peut pas être ainsi. Elle ne le peut pas.
L'asymétrie saute pourtant aux yeux : entre celui sait et celui qui ne
sait pas, entre celui qui apporte avec lui un monde, et celui qui est
nouveau dans ce monde. Le processus démocratique a provoqué une
délégitimité de cette asymétrie. C'est un phénomène général dans le
monde occidental, mais en France il prend une forme plus pathétique,
parce que l'une des caractéristiques de la France était son éducation
sévère. La France a été construite autour de son école.

Q. Beaucoup de jeunes disent que le problème est qu'ils ne se sentent
pas Français, que la France ne les traite pas comme des Français.

R. Le problème est qu'il faut qu'ils se considèrent eux même comme
Français. Si les immigrants disent : « les Français » quand ils partent
des blancs, alors on est perdu. Si leur identité se trouve ailleurs et
ils sont en France par intérêt alors on est perdu. Je dois reconnaître
que les juifs aussi commencent à utiliser cette expression, je les
entends dire « les Français » et je ne peux pas supporter çà. Je leur
dis « si pour vous la France n'est qu'une question d'intérêt et votre
identité est le judaïsme alors soyez cohérents avec vous-même vous avez
Israël ». C'est effectivement un grand problème : nous vivons dans une
société post nationale dans laquelle pour tout le monde l'Etat n'est
qu'une question d'intérêt , une grande compagnie d'assurance, il s'agit
là d'une évolution très grave.

Mais s'ils ont une carte d'identité française ils sont Français et s'il
n'en ont pas ils ont le droit de s'en aller. Ils disent « je ne suis
pas Français, je vis en France, et en plus ma situation économique est
difficile. » Personne ne les retient de force ici, et c'est précisément
là que se trouve le début du mensonge. Parce que s'ils étaient victimes
de l'exclusion et de la pauvreté ils iraient ailleurs. Mais ils savent
très bien que partout ailleurs, et en particulier dans les pays d'où
ils viennent, leur situation serait encore plus difficile pour tout ce
qui concerne leurs droits et leurs chances.

Q. Mais le problème aujourd'hui est l'intégration dans la société
française de jeunes gens et de jeunes filles de la troisième
génération, et non d'une vague de nouveaux immigrants. Ils sont nés en
France et ils n'ont nulle part ailleurs où aller.

R. Ce sentiment qu'ils ne sont pas Français ce n'est pas l'école qui le
leur donne ; Il y a ici des écoles partout. En France comme vous le
savez peut-être, on inscrit les enfants dans les écoles, même s'ils se
trouvent illégalement dans le pays. Il y a ici quelque chose de
surprenant de paradoxal. L'école pourrait très bien appeler la police
puisque l'enfant se trouve en France illégalement, et malgré tout
l'école ne prend pas en considération leur illégalité.

Il y a des écoles là-bas, et il y a des ordinateurs partout. C'est là
que vient le moment où il faut faire un effort, et ceux qui font les
émeutes ne sont pas prêts à faire cet effort. Jamais.

Prenez par exemple la langue, vous dites qu'ils sont d'une troisième
génération, alors pourquoi est-ce qu'ils parlent le français comme ils
le parlent. C'est un français égorgé, l'accent, les mots, la grammaire.
C'est à cause de l'école ? A cause des profs. ?

Q. Puisque les arabes et les noirs apparemment n'ont pas l'intention de
quitter la France, comment pensez-vous traiter le problème ?

R. Ce problème est le problème de tous les pays européens. En Hollande
on est confronté à ce problème depuis l'assassinat de Théo Van Gogh. La
question n'est pas quel est le meilleur modèle d'intégration, mais la
possibilité même d'une intégration pour des gens qui vous haïssent.

Q. Et que va-t-il se passer en France ?

R. je ne sais pas je suis désespéré. A cause des émeutes et à cause de
leur accompagnement médiatique. Ils vont se calmer, mais qu'est ce que
çà veut dire ? Ce ne sera pas un retour au calme. Ce sera un retour à
la violence habituelle. Alors ils vont arrêter parce qu'il y a tout de
même un couvre feu, et les étrangers ont peur, et les dealers veulent
reprendre les affaires. Mais ils jouiront du soutien et de
l'encouragement à leur violence antirépublicaine, par le biais du
discours repoussant de l'autocritique sur leur esclavage et le
colonialisme. C'est cela, ce n'est pas un retour au calme mais à la
violence de routine.

Q. Alors votre conception du monde n'a aucune chance ?

R. Non. J'ai perdu. Pour tout ce qui concerne la lutte sur l'école,
j'ai perdu. C'est intéressant, parce que quand je parle comme je parle
beaucoup de gens sont d'accord avec moi. Beaucoup. Mais il y a quelque
chose en France, une espèce de déni qui provient des « bobos » des
sociologues et des assistants sociaux, et personne n'a le courage de
dire autre chose. Ce combat est perdu, je suis resté en arrière.


Dror Mishani et Aurélia Samothraiz

 
Traduction de toutes les questions et réponses du philosophe. La
parties non traduites sont des passages de commentaires des
journalistes qui semblent plutôt surpris de ce qu'ils entendent.

Titre sur la couverture du supplément sous la photo de A.
Finkielkraut : « Vous les Israéliens, vous me comprenez. »

(ndlt)

[source: melusine @ nerim.net]